ORIGINES
Saint-Hubert
ou bloodhound, il s'agit du même chien: la plus
ancienne des races belges s'est longtemps illustrée
au sein des meutes royales françaises avant de faire
carrière outre-Manche. Trois pays peuvent donc
revendiquer peu ou prou le passé du roi des limiers.
Il est né dans les Ardennes belges, à l'abbaye de Saint-hubert,
d'où son nom en français. La légende veut que le
Vendredi Saint de l'an 683, le jeune chevalier Hubert,
fils du duc d'Aquitaine, chassait dans la sombre
forêt ardennaise quand il vit briller une croix entre
les bois du cerf qui lui faisait face. Il
s'agenouilla, écouta la voix divine qui lui
reprochait de chasser le jour anniversaire de la mort
du Christ. Devenu plus tard évêque de Maastricht
puis de Liège, il semble qu'il continua d'élever des
chiens, puisqu'à sa mort en 721, on installa sa meute
dans l'abbaye d'Andage, qui devint de ce fait de
Saint-Hubert.
Quelle est la part
de vérité de cette légende ? Difficile de le savoir
mais l'Église a eu longtemps bien des difficultés
pour faire rentrer les seigneurs dans le rang, ou
plutôt dans les églises. Chassant à tout moment,
quand ils daignaient rentrer dans les églises, ce
n'était qu'en compagnie de leurs meutes. La passion
de la chasse n'était d'ailleurs pas l'apanage de la
noblesse : les papes, jusqu'à la fin du Moyen-Age,
ont dû édicter des bulles pour interdire la chasse
aux ecclésiastiques ! Il est bien possible que la
légende de Saint-Hubert, doive son succès à la
nécessité de christianiser les coutumes
cynégétiques.
Saint-hubert
était d'origine aquitaine. Avait-il emmené ses
chiens avec lui, ou adopté ceux du cru ? En tous cas,
le chien de Saint-Hubert est l'héritier des fameux
ségusiens gaulois, dont des écrivains romains
avaient déjà remarqué l'expression mélancolique.
Passons quelques
siècles. Les moines de l'abbaye ardennaise envoient
chaque année au roi de France, à partir de 1200 -
six des meilleurs chiens de leur élevage. Jusqu'en
1570, ils seront les rois de ces meutes. A cette date,
Charles IX leurs préfère ses chiens blancs - déjà,
Saint Louis avait introduit des chiens gris d'origines
palestinienne. Si, à cause de leur lenteur, on ne les
fit plus poursuivre les animaux de chasse, c'est
toujours à eux qu'on demandait de les rembucher,
c'est-à-dire de veiller que la bête à chasser est
bien dans le périmètre où est prévue la chasse. Ou
de procéder au rapprocher, de façon à pouvoir
lancer la meute.
Henri IV, grand
chasseur, les appréciait encore puisqu'il ne trouva
pas de meilleur cadeau pour Jacques 1er
d'Angleterre. D'autres grands seigneurs français ont
fait de même : un M. de Beaumont offrit une meute de
Saint-Hubert à la reine Élisabeth 1ère.
C'est d'ailleurs à cette époque que la race
implantée outre-Manche, et non à celle de Guillaume
le Conquérant. Non que celui-ci et les seigneurs
normands aient oublié d'emmener leurs chiens
courants, mais le nom même de chien de Saint-Hubert
leur était encore certainement encore inconnu.
Il l'était en
revanche de Gaston Phébus, qui ne manqua pas de faire
halte à la célèbre abbaye de retour de Prusse. Et
de Duc Fouilloux, plus tard. Mais exclusivement comme
limier, rôle important certes mais de premier plan.
C'est en fait
d'Angleterre qu'est venue la Renaissance du chien de
Saint-Hubert, sous le nom de blood-hound. Pour les
uns, cette expression signifierait chien de pur-sang,
pour les autres, chien de sang, ou comme l'on dit
aussi communément sur le continent, chien de rouge.
Le chien de rouge est chargé de retrouver le grand
gibier blessé grâce au sang qu'il perdait. Ou
peut-être n'est que la traduction de "perro de
sangre", ces chiens chargés de retrouver les
esclaves en fuite à Cuba et à Saint-Domingue.
Lorsque la pratique s'en répandit dans les
plantations américaines, on garda la même
expression. Ces chiens étaient ordinairement des
dogues, souvent plus ou moins croisés de limier (leur
silhouette devait ressembler à celle du fila
brasileiro), à moins qu'ils ne soient des limiers
infusés de mastiff. Le Saint Hubert aurait donc pris
à la fois son nom anglais et ses rides typiques à
cette occasion. Cette vocation de chien de sang était
bien connue en Grande-Bretagne puisqu'on organisa un
moment, à Hyde Park des "chasses à
l'homme" (pour le sport). Dans les comptes-rendus
de l'époque, on relate plaisamment que les
bloodhounds préféraient quelquefois batifoler entre
eux, ou se faire caresser par les spectateurs... En
tout état de cause, quand on reparle en France du
Saint-Hubert, c'est-à-dire dans la deuxième partie
du XIXème siècle, il a essentiellement des origines
britanniques. Les vingt Saint-Hubert qui accompagnent
les cent-vingt foxhounds de Napoléon III sont des
bloodhounds. Et quand le comte le Coulteulx de
Canteleu les élèvera, il ira également les chercher
en Angleterre, en particulier chez M. Hatford. Alors
que la vénerie était en plein renouveau, le Coulteulx
prévoyait un grand succès pour le Saint Hubert parmi
les chasseurs. Il se trompait...
Ce
pilier des races canines - il serait fastidieux
d'énumérer toutes les races qui lui doivent quelque
chose - reste largement méconnu, et c'est bien
dommage. Flair légendaire, énorme gentillesse, grand
caractère : il a beaucoup d'atouts pour les amateurs
d'originalité.