Suite aux nombreux
accidents survenus ces derniers mois, le sénat a adopté dans
la nuit du mercredi 7 au jeudi 8 novembre le projet de loi
sur les chiens dangereux élaboré par Michèle Alliot-Marie. «
L'axe majeur du projet de loi consiste à responsabiliser les
détenteurs, en donnant la priorité à la prévention sans
exclure pour autant tout dimension répressive » a souligné
le ministre de l'intérieur. En effet, ce texte renforce les
obligations des propriétaires de chiens, notamment de
première et deuxième catégorie ainsi que la répression en
cas d'accident lié à une morsure. Michèle Alliot-Marie avait
déjà annoncé l'instauration d'une formation obligatoire pour
les propriétaires de chiens dangereux ainsi que l'obligation
de procéder à une évaluation comportementale effectuée par
un vétérinaire. Aujourd'hui, après le débat qui a eu lieu au
sénat, les choses se précisent.
le texte
est passé en 1ère lecture au Sénat, mais il doit encore aller
à l’assemblée nationale, qui va elle aussi proposer des amendements.
Avec ces amendements, on repasse au Sénat pour une seconde lecture, et
ainsi de suite jusqu’à ce que tout le monde soit d’accord. DONC RIEN
N’EST ENCORE DEFINITIF….
DES OBLIGATIONS SUPPLEMENTAIRES
Les propriétaires de chiens de première et deuxième catégorie ainsi que
ceux ayant un chien qui a déjà mordu devront conformément au projet de
loi suivre une formation obligatoire permettant d'acquérir une
attestation d'aptitude.
Cette dernière leur donnera alors le droit de
détenir leur chien « en toute légalité ». Cette formation sera basée sur
des notions de dressage et de règles de sécurité à appliquer avec un
chien. L'objectif est de permettre aux détenteurs de chiens d'avoir une
meilleure connaissance de leur animal afin d'éviter au maximum les
accidents. Néanmoins se pose la question de la qualification des
personnes qui dispenseront cette formation.
Il y a aujourd'hui beaucoup
de conceptions et de façon d'agir différentes en ce qui concerne le
dressage d'un chien. Comment choisir? Le monde cynophile est rempli
d'idées reçues, concernant la façon de se comporter avec un chien, qui
peuvent faire bien plus de dégâts et créer davantage d'accidents. C'est
là où se trouve la difficulté de vouloir imposer une formation qui
pourrait reposer sur des conceptions erronées car non fondées
scientifiquement.
Par ailleurs, ces propriétaires de chiens devront soumettre leur animal
à une évaluation comportementale effectuée par un vétérinaire. Celle ci
vise à définir le « degré de dangerosité » de l'animal, autrement dit,
de savoir si le chien en question risque de mordre quelqu'un. Il est
malheureusement impossible der pouvoir faire une telle prédiction.
En
effet, le comportement d'un chien constamment en fonction de
l'environnement, du contexte, des conditions de vie etc. Lors du débat
parlementaire, les sénateurs ainsi que le ministre de l'intérieur n'ont
pas évoqué le type de « tests » qui pourrait servir de support à cette
évaluation. Bien qu'il ne soit pas sérieux d'essayer de prédire un
risque de morsure, la façon la plus acceptable « d'évaluer » le
comportement d'un chien serait alors de se pencher sur sa relation avec
ses propriétaires afin de déterminer dans quel climat de vie se trouve
l'animal.
Le projet de loi adopté par le sénat prévoit également que ces
obligations soient étendues aux propriétaires de chiens de plus d'un
certain poids. Il est alors difficile de déterminer à partir de quel
poids on peut considérer qu'un chien devient dangereux.
Enfin, l'attestation d'aptitude sera obligatoire pour les personnes
travaillant aux côtés d'un chien dans une société de gardiennage ou de
sécurité. En effet, il semble efficace de dispenser une formation à
cette population dans la mesure où les conditions de vie parfois
déplorables dans lesquelles vivent ces chiens peuvent favoriser des
comportements agressifs.
Michèle Alliot-Marie présente ce projet de loi comme donnant la priorité
à la prévention. Néanmoins, beaucoup de sénateurs ont souligné le fait
que cette prévention ne se dirigeait pas vers les principales victimes
de morsures : les enfants. Aucune mesure n'a été prises concernant une
éventuelle campagne d'information auprès des médias ou des collectivités
locales. Peut être un point à travailler encore?
UN RENFORCEMENT DU POUVOIR DES MAIRES
L'article 1 de ce projet de loi donne davantage de pouvoir aux maires
des communes. En effet, ceux ci pourront prendre des mesures allant
jusqu'à l'euthanasie d'un chien de première ou deuxième catégorie si les
nouvelles obligations qu'ont les détenteurs de ces chiens n'ont pas été
respectées.
Ils pourront également imposer aux propriétaires de chiens
n'étant pas catégorisé une évaluation comportementale voire de suivre
une formation donnant l'obtention d'une attestation d'aptitude. Suivant
les résultats de l'évaluation comportementale, le maire pourra alors
décider de replacer ou d'euthanasier l'animal.
La catégorisation faite en 1999 a déjà alimenté une peur excessive vis à
vis de certaines races de chiens. Dorénavant, avec ce texte, il suffire
alors qu'une simple « impression de dangerosité » de l'animal soit
signalé au maire pour que celui ci impose toutes ces obligations pour
les propriétaires d'un chien n'étant pas forcément « dangereux » ou «
mordeur ».
LES SOLUTIONS PROPOSEES NE PRENNENT PAS EN COMPTE LA SOURCE DU PROBLEME
L'article 6 stipule que toute cession a titre gratuit ou onéreux d'un
chien sera subordonnée à la délivrance d'un certificat vétérinaire.
Celui ci sera, certes, une garantie supplémentaire et nécessaire, de la
bonne santé de l'animal cédé ou vendu.
Néanmoins, cela reste
insuffisant. On se trouve, dans ce projet de loi, devant l'absence
totale de mesures concernant la source réelle du problème. « Les
élevages sont le berceau du comportement des chiens » a souligné le
sénateur R, Madec. En effet, les problèmes de morsures que l'on peut
rencontrer avec un chien sont souvent liés à une lacune dans la
socialisation de l'animal.
Or, cette dernière se développe durant les
premières semaines de vie du chiot. Il est donc regrettable que le
problème du contrôle des élevages n'ait pas été abordé davantage. Un
renforcement des contrôles au niveau des élevages serait une garantie
supplémentaire sur l'acquisition d'un chien équilibré.
Durant ce débat parlementaire, la majorité des sénateurs ainsi que le
ministre de l'intérieur ont reconnu l'inefficacité de la loi de 1999
quant à la diminution des accidents causés par morsures de chiens. En
effet, ces accidents n'ont plus lieu sur la voie publique mais sont
toujours présent dans le cercle de la famille. Certains ont même ajouté
que la catégorisation de certains types de chiens n'avait aucun
fondement scientifique. Celle ci a, de plus, eu des effets pervers.
Tout
d'abord, les propriétaires de certaines races de chiens se sont
retrouvés montrés du doigt les poussant parfois à sortir leur chien à
des heures où ils n'auront aucun risque de rencontrer quelqu'un.
Cependant, le plus grave, c'est que la catégorisation de certains types
de chiens comme étant plus dangereux que les autres a fait naître la
pensée, chez certaines personnes, qu'il n'existe pas de risques de
morsures avec les chiens non catégorisés. S'il y a des « chiens méchants
», c'est que tous les autres sont « gentils »! Et c'est ainsi
qu'arrivent les accidents !
Ce projet de loi se veut innovant car basé sur la prévention. Il est
vrai que la proposition d'une formation pour les propriétaires de chiens
peut être bénéfique. Il est pourtant dommage que cette formation soit
restreinte à quelques catégories de personnes et non pas à tous les
détenteurs de chiens. Cependant, on reste encore dans la continuité
d'une loi qui a été reconnue comme inefficace et basée sur des
catégories sans fondement scientifique.
Enfin, depuis la loi de 1999, on a assisté à une augmentation des
abandons des chiens de catégorie 1 et 2 et cela ne va faire qu’empirer
avec l’adoption d’une telle loi. En effet, posséder un tel chien va
entraîner des coûts importants pour satisfaire toutes les obligations
demandées par les maires. Les gens qui n’auront pas les moyens ou tout
simplement pas l’envie choisiront alors la solution de faciliter :
abandonner son chien auprès de refuges qui auront de plus en plus de mal
à les replacer.
Jessica ROCHE
Comportementaliste
jess.roche@hotmail.fr